Mener la transition verte – Le défi Éric Carrière

Le Forum économique international des Amériques (FEIA) a été créé dans le but de promouvoir un échange d’idées et de perspectives sur les grands enjeux économiques dans le cadre de quatre conférences annuelles. La Conférence de Montréal présentée en juillet dernier discutait du thème Mener la transition verte.

L’organisateur

Le Forum international des Amériques a évolué pour devenir une organisation de renom en réunissant plus de 17 000 participants et plus de 540 conférenciers dans le cadre de quatre grandes conférences annuelles : la Conférence de Montréal, le Toronto Global Forum, le World Strategic Forum et la Conférence de Paris. Celle de Montréal a eu lieu du 11 au 13 juillet derniers.

Le Forum international des Amériques par ses activités cherche à obtenir une reconnaissance internationale pour son rôle dans le programme mondial de lutte aux changements climatiques. Selon Paul Desmarais Jr : « Il est important de se parler, ce n’est pas perdre son temps face à une situation mondiale compliquée et dangereuse », avec la crise en Ukraine et ses conséquences sur les approvisionnements.

 

I- Les propos d’ouverture pour lancer le débat

Le ministre canadien du Logement, et de la Diversité et de l’Inclusion, Ahmed Hussen, déclare d’entrée de jeu qu’il ne faut surtout pas oublier les plus démunis dans la tourmente : « Le coût de l’inaction est trop énorme pour être envisagé ». Il faudra permettre à tous les Canadiens d’avoir leur premier logement « efficient » par rapport aux changements climatiques. Il annonce un programme de 1,5 MM $ pour doubler d’ici dix ans le nombre de logements accessibles au Canada.

Pour Odile Renaud-Basso, présidente de la Banque Européenne, la question se pose : « Comment gérer l’incroyable impact de la guerre en Ukraine sur l’agenda mondial en raison de la rareté et de l’augmentation du coût des énergies ? » Comment concevoir et livrer une vraie transition ? se demandent les intervenants en raison du scepticisme environnant. L’inflation des prix de l’énergie à court terme alors que notre but demeure le même, soit de se libérer à court terme du gaz et du pétrole (sans compter le retour du charbon), nous conduira peut-être à une accélération des alternatives aux énergies fossiles. Un bien pour un mal (Sim Balhabalala du Standard Group Bank de l’Afrique du Sud) !

Patrick Martin, à la tête du Mouvement des entreprises de France, déclare que « la perspective est incontournable, qu’elle soit volontaire ou forcée ». Selon lui, il n’y a plus de climatosceptiques. La France serait la mieux placée en Europe à cause de son énergie nucléaire avec le plus bas taux de carbonisation. Mais les difficultés de la transition demeurent un enjeu. Quatre millions d’emplois seront menacés – attention aux gilets jaunes. Le financement de la transition pourrait coûter de 35 à 45 MM d’euros aux entreprises. Attention aux surinvestissements si les grands joueurs ne suivent pas. Une compétition négative qui pourrait ruiner nos efforts. Le monde doit coopérer et non compétitionner (problème planétaire).

Pour Pablo Hernandez de Cos, gouverneur de la Banque d’Espagne, il faut faire attention aux « risques exagérés pour les banques ». Il faudra agir avec grande prudence pour faire incorporer les prix du « zero net carbon » dans leurs frais d’exploitation. Comme on peut le deviner, le passage des coûts exorbitants de la lutte aux changements climatiques ne doit pas être chargé seulement aux banques, aux États, aux travailleurs, à un groupe restreint de pays…, mais à l’ensemble de l’écosystème économico-politique pour réussir à passer le cap. La concentration dans de grands et très grands consortiums pourrait faire augmenter dangereusement les risques d’hameçonnage, de terrorisme virtuel, d’effondrement de larges pans de l’économie pour des raisons de piratage, de panne généralisée, de coûts excessifs aux consommateurs. Faudrait-il préférer des écosystèmes diversifiés d’un grand nombre et de petites et moyennes entreprises « moins avares de profits, de pouvoir politique, de rendements exceptionnels », se demandait Louis Audet, président de Cogeco, à la recherche d’un équilibre salutaire ?

Saluons au passage une initiative des plus intéressante du Manitoba avec la signature d’un contrat de deux ans pour le développement et l’exploitation forestière entre cette province et les Premières Nations de Black River (Sheldon Kent, chef – Chris Kent, Nation Brokenhead Ojibway – Terry Brown, directeur général d’Okinawa Community). Espérons une rencontre entre l’économie et les valeurs traditionnelles et ancestrales des autochtones de plus en plus appropriées pour sauver la Terre Mère ! 

Quelles priorités se fixer aujourd’hui ? Quelles questions se poser en priorité ?

  1. Est-ce que les grandes compagnies en font assez pour la planète ? Rappeler les cibles à atteindre.
  2. Comment être justes pour ne pas défavoriser ou pénaliser certaines compagnies, certaines régions urbaines, certains pays ...? Tout le monde et toutes les parties devront avoir un idéal et un objectif commun tout en les réalisant en même temps sans perdants ni gagnants. D’où le rôle de la diplomatie verte même à l’intérieur des grandes villes où chaque quartier trouvera son compte (décentraliser la formation universitaire sur tous nos territoires).
  3. Comment réensauvager le monde (Protect and restore nature) selon la Convention des Nations-Unies sur la biodiversité ?
  4. Comment bâtir la superstructure pour atteindre des objectifs simultanément et efficacement ?
  5. Le principe L.C.G., en faire quel usage ? – link : relier les efforts du public et du privé par une concertation soutenue ; clean : aucune corruption ne doit être tolérée ; green : pourquoi ne pas investir les crédits de carbone dans les pays qui n’ont pas le financement pour acheter et protéger les ilots de nature bénéfiques à la santé et la prospérité mondiale ?

Marc Bédard, président et fondateur, Lion Électrique; Adrian Tylim, directeur du développement des affaires pour l’Amérique du Nord, Blue Solutions; Marissa West, présidente-directrice générale, General Motors Canada. – Photo : Éric Carrière

II- Économie verte et diplomatie verte

Le Québec et le Canada, la France et la francophonie, les Amériques et enfin les Nations-Unies sont directement et solidairement confrontés par ce problème mondial. D’où l’importance de la diplomatie dans la résolution de cette énigme.

Commençons par le Québec. Marc Croteau, sous-ministre de l’Environnement et des Changements climatiques, a très bien résumé la commande. À la recherche « d’outils plus efficaces, de l’application de l’économie circulaire à tous les échelons de production et de consommation, de l’adaptation de la main-d’œuvre et des entreprises, du maintien du marché du carbone (6 MM $ en deux ans) et des fonds d’investissement, de la nécessaire coopération climatique internationale, des transferts technologiques vers les pays émergents, d’une entente sur les véhicules zéro émission au niveau international, de la finance verte, durable et équitable afin de protéger les banques, gouvernements et entreprises qui décideront de faire le virage sans perdre leurs avantages compétitifs par rapport à ceux et celles qui continueront d’utiliser les énergies fossiles, d’un cadre de gestion des risques naturels, du respect des enjeux environnementaux et sociaux…, et pourquoi ne pas faire de Montréal un pôle mondial de la transition énergétique ? »

La commande est énorme. Pour y arriver, il faudra que la transition verte soit juste aux yeux de toutes et tous, selon Sophie Lagoutte, consule générale de France au Québec. Pour réduire l’empreinte carbone de 55 % d’ici 2050, il faudra nécessairement nous autocontraindre dans les pays riches. Rappelons que la France a présidé le Conseil de l’Europe au cours des six derniers mois. Elle connaît cet enjeu !

Pour arriver à une plus grande équité, il faudra nécessairement avoir accès à du financement à coût réduit (sustainable funds) récompensé par le marché dans les futures ententes (Luis F. Lopez-Calva, PNUD, Amérique latine, ONU).

Pour Florian Mayneris, de l’Université du Québec à Montréal, il faudra compter sur la diplomatie environnementale et les baisses de tarifs au niveau international (sorte de péréquation envers les pays en voie de développement). Il faudra aussi concevoir des accords de nouvelle génération incluant des normes culturelles pour préserver les identités et assurer la diversité, tout comme le réclamait d’ailleurs le pape François en 2015 dans son encyclique « pour sauver la maison commune » tout en évitant la banalisation désolante de paysages culturels construits et aménagés par les générations de cultures différentes. Il ne doit pas y avoir de modèle unique pour l’humanité.

Toujours faire attention aux mesures injustes et simplistes comme l’augmentation des prix du carburant (la consule de France). Il faudrait plutôt aider l’achat de véhicules électriques, remettre les bâtiments existants à l’ère des énergies propres en utilisant de nouvelles technologies. Cela prendra des investissements massifs. Ainsi les nouvelles technologies et la nouvelle finance adaptée devraient faire partie de la solution commune recherchée, selon M. Lopez-Calva.

Il en sera de même pour l’ensemble de la francophonie. La finance/climat : un enjeu global. La force du Sommet de Paris en 2015 aura été de rapprocher les parties de tout le spectre des intervenants alors présents. Il faut inventer et maintenir un nouveau rapport de force, car ce dont on parle ici, ce sont des biens mondiaux comme l’eau, le sol, l’air et la nature. Mais attention, la solution est complexe et c’est pourquoi il faudra éviter de se « sanctionner trop fort et de saborder notre compétitivité en recherchant et en appliquant une concurrence juste ». Dans ce genre de régulation, les PME risquent d’être plus touchées, car les grandes corporations peuvent s’adapter à peu près à n’importe quoi ! Comment les mobiliser ? Comment ne laisser personne derrière ? Selon Dany Pelletier (Fonds de solidarité FTQ), « il faut avoir une vision claire de la transition 2030-2050 et avoir une ligne de conduite immédiate. Il faut rendre cela concret pour les entrepreneurs face à la complexité des règlements, la panoplie des programmes gouvernementaux et la pénurie de main-d’œuvre ». Un beau programme !

Quelques éléphants roses dans la pièce

  1. Si les huit principales banques canadiennes formaient un pays, elles se classeraient au cinquième rang des plus grands émetteurs de carbone, selon OXFAM Québec dans son dernier rapport de recherche publié en octobre 2022. Bien plus, les investissements consentis dans la décarbonation de l’économie représentent à peine 10 % des investissements consentis dans l’industrie pétrolière et gazière. À quand un projet de loi fédérale sur la finance alignée sur le climat (projet S-243), selon la sénatrice indépendante Rosa Calvez ?
  2. À quand un moratoire canadien sur tous les projets d’oléoducs, de gazoducs, de permis de forage en Atlantique et dans le Nord canadien ? Quand encouragerons-nous Hydro-Ontario à s’approvisionner en hydro-électricité du Québec plutôt qu’en menaçant de construire des centrales au gaz ? Espérons qu’il ne s’agit là que d’une stratégie pour obtenir des prix plus bas au moment du renouvellement des contrats. Où est la logique ?
  3. Quand le Canada et les États-Unis conviendront-ils d’un agenda pour abandonner le pétrole et passer à l’énergie verte ? Ainsi il serait normal et plus facile d’exporter notre hydro-électricité verte dans le Nord-est américain sans perdre des décades en temps de négociation. Selon Serge Abergel d’Hydro-Québec, la solution passe par un réseau sophistiqué d’interconnexion des producteurs d’électricité solaire, l’éolienne et l’hydro-électricité gérés par l’intelligence artificielle pour la rendre fiable à tout point de vue. À quand une diplomatie verte pour régler ce problème causé par des lobbies autrefois opposés ? Comment rendre les projets conjoints (Canada/É-U) plus acceptables ? La transition coûtera cher, car la demande sera grandissante. Il faudra prendre moins de temps (aujourd’hui quatre ans) pour les permis, éviter les revirements subits à la suite de pressions politiques partisanes, s’appuyer sur le consentement des populations et des élus de New York qui eux craignent les pollutions atmosphériques, et contrer les alliances douteuses entre le secteur carboné et les protecteurs de paysage. Le Québec produit 37 000 mégawatts et a des revenus assurés de 800 M$ par année. Un vrai partenaire !

Photo : Éric Carrière

III- Économie durable et finance adaptée à la situation

La diplomatie commerciale : un deuxième bon choix pour l’environnement. À la recherche de nouvelles ententes majeures sur les mers concernant la surpêche et la pollution des eaux : Où ? Quand ? Quoi ? Quelle quantité pêcher ? (M. Lopez-Calva).

En matière d’équité, pourquoi ne pas investir dans les crédits de carbone dans les pays ou les régions qui n’ont pas le financement pour acheter et protéger des ilots nature (achat, protection contre le vol et le braconnage, gestion et protection à perpétuité) ?

Un autre sujet d’intérêt devrait porter sur l’effet PATAGONIA, ou la certification B Corp qui vise à concilier capitalisme et durabilité (source Alain McKenna, le Devoir, 20 octobre 2022). Ce vœu s’inscrit dans la mouvance générale détectée  lors du dernier Forum économique des Amériques à Montréal en juillet dernier.

La formation générale de l’ensemble des députés élus du Québec sur les changements climatiques au Québec et leurs conséquences dramatiques s’impose. Un volet sur la nature de la vraie politique nationale de l’aménagement devrait en faire partie pour construite au bon endroit.

IV- Urgence climatique et actions immédiates

Devant de tels dilemmes, pouvons-nous demeurer optimistes ? Oui, répondent les présentateurs et panélistes, du moins en ce qui concerne la science, la technologie et l’argent ! Main non en ce qui concerne la « bonne volonté » de toutes les parties afin d’atteindre le but ultime. Que l’on songe aux dangers des guerres actuelles et prévues, du banditisme et du terrorisme, de l’incompréhension mutuelle et de l’égoïsme à court terme des dirigeants et des populations. Vers un monde indissociable et interrelié (Jérôme Dupras, Université du Québec en Outaouais).

Bien sûr, nous n’avons pu couvrir l’ensemble des délibérations des trois jours de rencontre, ne serait-ce que plusieurs présentations étaient simultanées. Nous proposerons plutôt quelques exemples éloquents des dynamiques évoquées comme le diagnostic et la solution proposée.

  1. Vers une nouvelle agriculture. Est-ce que le marché ou l’État (international, national, régional et municipal) doivent favoriser le nouveau modèle de l’agriculture ? Rasmus Bjergaard, fondateur de Next Food : « Pour réensauvager le monde, il faudra réagriculturer le monde en commençant par les grandes métropoles ». À titre d’exemple éloquent, rappelons le cas de la grande ville de Kinshasa au Congo qui atteindra bientôt les 25 M d’habitants. « Comment est-ce possible d’augmenter les productions agricoles pour nourrir l’Afrique sans détruire davantage les forêts et les milieux humides naturels ? » Rasmus B. propose de ramener la production agricole intensive en ville, en serres, sur les toits et dans des bâtiments multiétapes appropriés. Cela contribuera à réduire et à stopper l’empiètement des activités humaines sur les milieux naturels.
  2. Vers de nouvelles villes. Comment imaginer et concevoir la métropole de demain ? Cela prendra un très fort leadership pour proposer et faire adopter une vision nouvelle, des priorités et des projets de démonstrations en vue de leur généralisation sur l’ensemble des territoires. La vision est simple, mais sa mise en œuvre demeure complexe après 40 ans de lutte à l’étalement urbain. Il faudra un jour admettre qu’il nous faille absolument contenir la croissance urbaine à l’intérieur des limites actuelles des villes et villages actuels, comme le recommandait Phil Enquist (S.O.M. Chicago) en conférence d’ouverture au Congrès 2017 de l’Institut canadien des urbanistes à Québec. En plus de ramener une partie de la production agricole à l’intérieur de ces mêmes périmètres, faudra-t-il aussi accueillir sur les sites vacants et les toits d’importantes quantités de panneaux solaires comme le proposait – et l’avait enclenché – la mairesse Kate Gallego de Phœnix en Arizona.
  3. Vers des établissements humains beaucoup plus intelligents en utilisant les pouvoirs incontestables de l’intelligence artificielle (Partenariat mondial sur l’intelligence artificielle PMIA) :
  • Pour rendre intelligente la gestion quotidienne de tous les bâtiments en concevant des logiciels adaptés au contrôle de l’éclairage et du chauffage de tous les locaux habités, occupés ou non. L’intelligence artificielle peut le faire en économisant des milliards de dollars qui pourraient être utilisés autrement ;
  • Pour rendre les réseaux de transport plus efficaces et plus performants en gérant automatiquement les flux de circulation en temps réels à partir de comptages automatiques des véhicules et des temps de parcours sur le réseau. Idem pour le métro, le REM, le tramway et les bus. Une autre grande révolution avec des impacts énormes sur le temps perdu et l’énergie gaspillée. Rappelons ici qu’il est désormais plus sécuritaire et plus économique de confier les commandes de l’avion au pilote automatique même au décollage et à l’atterrissage (OACI). Ciel bleu à l’horizon.
  • Où en est la recherche sur des modèles d’aménagement et de répartition des usages sur le territoire des métropoles et des conurbations ? Où en est rendue la mise en pratique de la théorie des places centrales, l’étude de la structure efficiente du tissu urbain en tenant compte de la répartition intelligente des usages et des déplacements qu’ils engendrent en voulant minimiser des coûts d’investissement, d’entretien et de fonctionnement de tous les réseaux qui desservent  la ville ? De même pour les réseaux de villes et villages qui structurent le pays tout entier ? Il est urgent d’agir, car le temps nous est compté. Selon Jean-François Barsoum d’IBM (Smart City Concept - an 2000), et Patrick Aubin, vice-président principal chez SNC-Lavallin., le message de ces deux experts est simple :

i. Les villes sont des partenaires idéales pour construire les smart cities qui logeront 80 % du monde en 2100 ;

ii. Les villes se doivent d'être attractives pour les citoyens, la main-d’œuvre, les entreprises et les visiteurs.

Catherine Clark – Photo : Éric Carrière

V- Quelques grandes observations à tirer de l’exercice

Nous avons été plongés au cœur d’un écosystème politico-économique à la fois basé sur la science, les données probantes et les incertitudes géopolitiques et environnementales si riche qu’il est pratiquement impossible de le résumer dans ce modeste compte-rendu. Toutefois, il mérite certes qu’on en parle au risque de produire des débats suite à des mésinterprétations bien involontaires. La ligne éditoriale nous appartient.

En terminant cette réflexion, nous avons révisé nos dizaines de pages de notes glanées ici et là au cours de cet événement, et nous en reprendrons quelques recommandations que nous ne voulions pas passer sous silence. Nous suggérons aux vrais analystes de recourir auprès de l’organisation du Forum pour obtenir notes et comptes-rendus détaillés. Nous livrons ici quelques impressions notées au passage d’un urbaniste et géographe passionné d’aménagement raisonnable des territoires et doté de plus d’un demi-siècle d’observations et d’interventions (expériences concrètes) sur l’évolution de l’écosystème planétaire des établissements humains.

- Comment dépolitiser le débat ? Ici nous parlons de politique partisane capable si souvent d’avancées et de retours en arrière. Dans le contexte québécois, on pourrait imaginer une sorte de commission parlementaire permanente impliquant les cinq partis politiques sur la base des idées brassées au cours de la dernière campagne électorale. Pourquoi ne pas imaginer une sorte de « conseil supérieur de l’aménagement du territoire » qui aurait pour mission d’en fixer les balises, les échéances, les plans d’action et les communications auprès de la presse et du grand public ? Il faut éviter de changer la commande au gré des élections partisanes.

- Comment en arriver à monter le prix du carbone à 70 $ la tonne et l’indexer au fil des progrès de la décarbonation (Peter McArthur, vice-président et chef national de la RBC) ? « Peut-on songer à établir un tarif unique planétaire de la taxe carbone ? » Se doter des moyens de faire une certaine péréquation entre pays riches et pays en voie de développement sous l’égide de l’ONU ?

- Comment mettre sur pied un plan vert dans lequel tous pourraient investir ? À t-on besoin d’une Green Bank ? Mike Mulcahy de GreenCape (Afrique du Sud) annonce des projets verts de 2,5 MM $ à court terme. Que feront les grandes puissances à ce chapitre ?

- Pourquoi ne pas apprendre de la gestion de la Covid par le corps médical et son influence sur les gouvernements dans l’intérêt supérieur de la population mondiale ? À quand un plan de gestion de la terre « afin d’éviter la tragédie de l’horizon » (Mark Carney) ?

- Jean Lemire, émissaire du gouvernement du Québec au sujet des changements climatiques, a très bien résumé les enjeux devant les crises existentielles qui nous menacent, lui qui fut témoin de la fonte des glaciers et du pergélisol arctique. « Écoutons la science, encourageons les changements technologiques et administratifs » qui pourraient nous sauver. Il ajoutait que le Green Washing est un véritable danger. Il n’y aura pas de victoire sur les changements climatiques sans changements sociaux importants. Il préconise « un monde meilleur pour tous ». Il demeure réaliste en nous rappelant que de grandes technologies nécessaires sont encore en voie de développement et ne peuvent livrer aujourd’hui leur plein potentiel. Exemples : le stockage de l’énergie et la captation massive du carbone. Les gouvernements élus doivent tous être des agents de changement par la communication et la mobilisation.

Vinay Shandal, directeur général et associé, Toronto, Boston Consulting Group et Mark Carney vice-président du conseil et chef de l’investissement en matière d’environnement, Brookfield Asset Management et envoyé spécial des Nations Unies pour le financement de l’action climatique. – Photo : Éric Carrière

Vers un monde fini et pacifié – Ce que nous avons pu constater au cours des trois jours de cette conférence au Forum économique de Montréal pourrait aisément se résumer de la façon suivante :

  1. Concernant la « Tragédie de l’horizon (Mark Carney) », il n’y a visiblement plus trace de climatosceptiques parmi les économistes, les banquiers et les gens d’affaires présents qui ont participé au débat.
  2. La volonté affirmée des entreprises et du capital à contribuer par leur changement de comportement et la mise en place de réformes costaudes pour corriger le tir groupé. « Des dizaines de trilliards de dollars seront nécessaires pour réaliser le changement de paradigme », selon Carney.
  3. La soumission des gens d’affaires à écouter les orientations politiques nouvelles et quasi unanimes des autorités gouvernementales locales, nationales et internationales (ONU) face aux dangers avérés.
  4. Continuer d’écouter la science et de suivre son développement sur les critères universels (ESG : environnement/social/gouvernance) sans relâche avant d’accepter tout projet immobilier et d’infrastructure d’envergure.
  5. Faire le pont entre la géopolitique mondiale et la crise climatique déjà solidement enclenchée ; une 3e guerre mondiale est tout simplement inimaginable à ce chapitre. Cependant, comment désamorcer les crises militaires en Ukraine et à Taïwan ? Le climat géopolitique a atteint un niveau de dangerosité inégalé depuis la guerre froide.
  6. Esquisser la commande et la mise en œuvre du premier plan d’urbanisme et d’aménagement du territoire de la planète par l’ONU, les gouvernements nationaux et les municipalités en prenant en compte les écosystèmes, les paysages humanisés et le capital bâti aménagé accumulé depuis plus de 5 000 ans (suggestion d’un urbaniste convaincu dissimulé dans l’assistance en tant qu’invité). Un bon geste pour la culture et le climat (infrastructures et bâtiments).
  7. L’urgence de mettre à contribution l’intelligence artificielle, la domotique et la robotique pour moderniser nos systèmes de gestion, de déplacement sur le territoire et de communication sécuritaire en contrôlant les dangers de piratage et de malveillance par une sécurité accrue à toute épreuve. Cela prendra des investissements massifs dans les nouvelles technologies.
  8. Appliquer dans le très court terme le principe de stopper la destruction des espaces naturels, de l’air, de l’eau et des sols agricoles en imposant l’empiètement zéro sur tous les territoires et toutes les régions du globe à protéger. Il y aurait même lieu d’avoir une politique mondiale de réhabilitation des espaces naturels, culturels et agricoles dégradés par la surutilisation, la pollution et la guerre destructive. Nous n’avons plus le luxe d’attendre avant de colmater ces brèches inexcusables dans notre rapport au territoire. Tous les gestes de destruction ne feront qu’ajouter à la commande déjà considérable de pacifier le monde et de régénérer les espaces détruits d’ici 2050. Il faudra peut-être trouver des moyens de rendre les responsables imputables de leurs gestes ! Rappelons ici qu’il s’agit de biens mondiaux qui appartiennent à toutes et tous.

Conclusion générale

Nous aurions pu encore écrire des dizaines de pages et citer des dizaines de projets et initiatives intéressantes, mais demeurons conscients de la patience du lecteur. Aussi peut-être y aura-t-il une suite ! Ce n’était qu’un essai !

                                              


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