Décoration intérieure – Parlez-en à votre psy ! Photo : Alessandro Calligaro

À première vue, la décoration intérieure et la psychiatrie n’ont pas grand-chose à voir. Pourtant ! Alessandro Calligaro, psychiatre à Milan, a ouvert un bureau de décoration intérieure à Rome. Deux métiers, deux villes, mais un principe convergent : la psychothérapie.

Cette surprenante démarche du psychiatre Alessandro Calligaro découle de deux constats. Le premier est la façon dont les appartements ou maisons reflètent la personnalité de leurs occupants. « On peut penser que les gens vont choisir les couleurs, les éléments de décoration qu’ils aiment et que leurs amis ou invités voient leur personnalité à travers la décoration », observe le psychiatre. Or, ce n’est pas toujours le cas. Il arrive que les occupants n’accordent que peu d’importance à la décoration ou que le besoin d’exhiber le statut social prime sur le goût personnel. Le deuxième constat, Alessandro Calligaro le fit en feuilletant les magazines de design : de belles maisons, richement décorées, qui suivent toujours les mêmes tendances. Le propriétaire, par crainte de se tromper ou pour donner du prestige à sa maison, loue les services d’un  décorateur de renom. Celui-ci se présente catalogues en main et Alessandro Calligaro craint qu’il ne soit plus concentré sur ses catalogues, les achats à effectuer et les tendances du moment que sur la personnalité et les goûts de son client. Le risque est que l’occupant ne se sente pas chez lui dans sa maison. Il paraît heureux, mais la réalité, pense le psychiatre, est « qu’il se force à être heureux parce qu’il a payé cher un designer ». L’idée du psychiatre-décorateur est alors d’utiliser les outils de la psychothérapie pour faire ressortir la personnalité des gens et déterminer la décoration intérieure qui leur ressemble.

Dites-moi qui vous êtes et nous irons magasiner votre décoration intérieure
La démarche d’Alessandro Calligaro n’est pas celle du feng shui, qui consiste à aménager les lieux pour favoriser le bien-être des occupants. Son activité de designer n’a aucune visée thérapeutique puisqu’il propose non pas d’utiliser la décoration intérieure pour traiter l’humeur, mais bien de partir de la personnalité pour définir la décoration.  « Mon idée est plutôt de dire : “Essayons de travailler sur votre personnalité et votre maison sera vraiment comme vous êtes” », explique-t-il. Le gros du travail sera donc une discussion qui, en utilisant les outils de  la  psychothérapie, conduira les gens à dire ce qu’ils veulent chez eux. C’est seulement au  terme  de  cette  discussion  que  le  psychiatre-décorateur  arpentera les magasins à la recherche de ce que son client a en tête.  « Mon idée, insiste le psychiatre, est que les gens me demandent ce qu’ils veulent et non que  je  propose  des  choses. »

Cette même démarche s’appliquera aussi pour ajuster une décoration existante à la personnalité de l’occupant. Après tout, en tant que psychiatre, Alessandro Calligaro ne travaille pas sur un esprit vide. Au fil des discussions, il tente d’introduire des changements dans la vie de ses patients, étape par étape, avec toujours la possibilité de revenir en arrière en cas d’échec. Il procédera de même en tant que décorateur intérieur. Sa discussion avec le client l’amènera à ajouter une touche plus personnelle au design en tenant compte des liens affectifs que le client entretient pour les objets qu’il a placés autour de lui. « Vous devez sentir s’il aime les choses, s’il veut les garder à cause d’émotions. Beaucoup de designers sont trop invasifs, regrette Alessandro Calligaro. Ils sont trop concentrés sur le design. Si quelque chose ne leur semble pas beau, ils veulent l’enlever. » Or, il suffit parfois de déplacer l’objet dans une autre pièce ou de l’entourer différemment pour qu’il revête une autre dimension.

Le milieu de travail y passera aussi

Alessandro Calligaro s’intéresse aussi au design des milieux professionnels. Il évoque une salle de réunion en milieu psychiatrique où il rencontrait ses collègues pour discuter des patients. « Ce qui se disait était assez lourd, la pièce était froide et grise et on ne pouvait pas la changer », raconte-t-il. Il a proposé de rendre l’atmosphère plus chaleureuse, non pas en modifiant le design, car ce n’était pas du ressort du psychiatre, mais en ajoutant une activité  parallèle : manger ou prendre un verre. « Ce n’est pas quelque chose qui se fait normalement dans un hôpital et l’atmosphère était complètement différente, soutient Alessandro Calligaro. On était capables de travailler beaucoup mieux. »

Devenant décorateur intérieur, il espère poursuivre cette démarche en jouant sur l’aménagement des lieux. L’idée n’est pas de créer des espaces de travail personnalisés pour chaque employé, mais de se concentrer sur la dynamique des groupes de personnes, de l’entreprise ou le type de service offert.



« Un hôpital, fait-il  remarquer, ce n’est pas quelque chose où vous vous sentez à l’aise. C’est un endroit qui doit être propre, fonctionnel, mais vous devez penser aux idées des patients. Des gens viennent là pour un cancer de la peau, pour un lifting ou des questions d’esthétique… des patients complètement différents et vous ne pouvez pas tous les mettre dans une pièce blanche ou verte. »

Le concept s’applique aussi à l’industrie touristique. Alessandro Calligaro possède lui-même une maison à Rome qu’il loue aux touristes. La maison est décorée selon sa personnalité, avec ses meubles, sa vaisselle et même ses livres et ses disques. Elle ne reflète pas la personnalité des multiples locataires qui y séjournent, mais à leurs yeux, c’est la maison d’un Romain, et elle répond à leur désir de vivre l’expérience romaine. Elle offre un environnement authentiquement romain comparativement aux chambres d’hôtel sans âme ou aux appartements de location invariablement meublés en Ikea. Au dire du psychiatre, elle apporte aussi un élément rassurant. « Les gens qui voyagent ont toujours une crainte quand ils vont dans un nouveau pays, une  nouvelle ville. Donc, explique-t-il, la possibilité d’avoir une maison est vraiment unique pour eux.»



Originale, inattendue, certes, mais l’idée n’a finalement rien de saugrenu. Elle laisse même entrevoir des  perspectives inédites pour dynamiser et humaniser les milieux professionnels.

Psy Interiors


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