Le patrimoine ferroviaire de Paris Intérieur de la gare de Paris-Nord. La signalétique de la gare du Nord possède un nouveau concept depuis août 2023, déployé dans plusieurs sections de la gare permettant notamment l’intermodalité. Source : AREP – Photo : Yann Audic

Trois sites rénovés par AREP : la gare du Nord et sa nouvelle halle à vélos sur la rive nord, le RER C / Métro Saint-Michel Notre-Dame sur la rive sud, et la gare Montparnasse.

Fin mai, le groupe Architecture Recherche Engagement Post-carbone (AREP), filiale à 100 % de l’entreprise publique SNCF Gares & Connexions, a organisé avec l’aide de l’agence de relations de presse Giovanna Carrer une journée de presse internationale consacrée à trois sites rénovés par AREP : la gare du Nord et sa nouvelle halle à vélos sur la rive nord, le RER C / Métro Saint-Michel Notre-Dame sur la rive sud, et la gare Montparnasse. Les spécialistes du groupe AREP ont mis en valeur les interventions conséquentes tantôt en ingénierie, tantôt en design et réflexion sur ces lieux de transport fondamentaux dans Paris.

Gare du Nord : point d’ancrage pour les Olympiques et accès à l’intermodalité

Parmi les six grandes gares à Paris qui rayonnent sur la France, la gare du Nord est la plus grande, accueillant 600 000 voyageurs par jour. Elle a une emprise au sol de douze hectares. Sa façade sud, très chic avec les statues des villes qu’elle dessert en acrotères, fut construite en 1866 par l’architecte Jacques Hittorff. AREP a été mandaté pour créer plus de visibilité dans la signalétique lors des Jeux olympiques.

Une simplicité de design en concordance avec l’autre halle à vélos

L’architecte-ingénieur Raphaël Ménard a notamment été responsable de la halle à vélos. Elle a un volume de 1 200 mètres carrés, ce qui n’est pas très volumineux si on la compare à la halle de la Villette qui en possède 18 000. Elle peut néanmoins accueillir 1 200 bicyclettes, ce qui lui confère le titre de la plus grande halle à vélos en Île-de-France. En France, c’est à Lyon que se trouve la plus grande halle avec 1 500 places, et la plus grande halle du monde est à Utrecht avec 6 000 places. Selon M. Ménard, « l’espace pour circuler et vivre à Paris est réduit, la halle à vélos avait donc une légitimité ». 

La halle à vélos est campée dans le cœur intermodal de la gare du Nord, là où on peut prendre le bus, le taxi ou son vélo dans la halle. Elle n’est pas visible de l’entrée sur la rue principale, mais les voyageurs y sont rapidement dirigés par la nouvelle signalétique. Elle possède une toiture à panneaux photovoltaïques installée entre des poutres de bois en forme de papillon. Elle fut ouverte en juin 2024 pour les Jeux olympiques de Paris. L’espace environnant la halle est toutefois peu végétalisé. Les pistes cyclables et les espaces réservés aux bus et taxis n’ont pas non plus d’aménagement paysager bordant leurs chemins. La biodiversité ne semble pas avoir été un sujet qui a retenu l’attention d’AREP, mais à leur décharge, le sol a de fortes probabilités d’être contaminé. Source : AREP – Photo : Guillaume Satre

 

L’originalité de la halle de la gare du Nord réside dans sa conception sobre. Elle réplique le volume de la halle de la seconde partie de la gare édifiée en 2001. Telle sa réflexion, la nouvelle halle à vélos possède le même angle de toit et presque la même surface de toiture à deux versants à pente douce.

« Dans le choix d’une toiture, il fallait faire un choix d’inertie ou de productivité, soit sans ou avec des panneaux solaires. La réponse fut la seconde », mentionne M. Ménard. Ainsi, la couverture, contrairement à sa jumelle de 2001, a des vitrages photovoltaïques. Ils sont séparés par des poutres de bois qui se croisent de façon alternée « comme des papillons », explique l’architecte-ingénieur. L’espace est ventilé naturellement. L’éclairage s’effectue par des cloisons ajourées faites de cellules solaires, de vitrages photovoltaïques et de lanterneaux qui font office de faîtage de la toiture.

Savoir inclure des matériaux recyclés

Les panneaux cintrés de verre trempé, ou lanterneaux, qui composent le faîtage de la halle à vélos sont un réemploi de la « chenille » historique (1977) du Centre Pompidou, déposée à l’occasion des travaux de rénovation de 2018. Cette réutilisation fut une opération fastidieuse, car il aura fallu convaincre différentes instances de bureaux de contrôle et les assureurs.

Une seconde récupération a été accomplie concernant les luminaires installés sur le mur pignon de la halle à vélos. Ils composent la flèche directionnelle vers la porte d’entrée et sont issus du réemploi d’isolateurs de caténaires en verre que l’on retrouve pour l’alimentation électrique des trains et des tramways.

Ce diagramme de SankeyMATIC mesure le poids de la halle à vélos par flux. Il illustre la quantité de types de matériaux de construction utilisés pour construire la halle. C’est le bois qui est le plus important dans la partie visible, mais le béton pèse encore plus dans la partie invisible ou souterraine. Ainsi, ce diagramme fait ressortir les transferts majeurs d’énergie au sein d’un système complexe, de même que ses apports et ses pertes. Source : Halles : soleil, climat, cohue, AREP éditions, 2024.

 

Réfléchir avec méthode pour tendre vers une empreinte écologique

Une particularité de l’effort de réflexion d’AREP réside dans la création d’une mesure multidisciplinaire concernant l’impact de ses projets EMC2B (E pour énergie, M pour matière, C2 pour carbone et climat, et B pour biodiversité). Ainsi sont recensés la consommation et la production d’énergie globale, la quantité de matières utilisées et leurs origines, les émissions de gaz à effet de serre ou carbone, l’albédo ou le climat –c’est-à-dire ce que le projet renvoie dans l’atmosphère en matière de rayonnement solaire –, et finalement, le nombre d’arbres conservés ou plantés améliorant la biodiversité. Cette démarche est utilisée pour certaines collectivités territoriales qui ont une stratégie de transition écologique au Luxembourg et pour le Grand Annecy.

RER C / Métro Saint-Michel Notre-Dame

Le RER C / Métro Saint-Michel Notre-Dame est muni de quais intérieurs en sous-sol éclairés de manière naturelle par les baies à la surface de la station. Source : AREP – Photo : Maxime Huriez

 

Situé rive gauche en bordure de la Seine, le second projet de patrimoine ferroviaire est celui du RER C / Métro Saint-Michel Notre-Dame. La gare de Saint-Michel Notre-Dame est mise en service en 1900 sous le nom de pont Saint-Michel. Cette station connut les avaries de l’inondation de 1910 et du débordement de la Seine. Aujourd’hui, la station RER C / Métro Saint-Michel Notre-Dame est, après la gare Montparnasse, la gare la plus fréquentée de la rive gauche de la Seine. Trente-deux millions de voyageurs y circulent annuellement, ce qui lui confère le rang de huitième gare française en flux de voyageurs.

La façade côté Seine du RER C / Métro Saint-Michel est maintenant éclairée également de l’intérieur, rendant la station visible jusque sur la rive droite. Source : AREP – Photo : Marwan Harmouche, septembre 2024
La visibilité de la station fut doublement mise en valeur. D’une part, en bordure des berges, une promenade longeant la station permet maintenant un angle de vue exceptionnel sur Notre-Dame. D’autre part, alors qu’elle avait été une attraction notoire au XIXe siècle, la vue des arcades en anse de panier de la station, à partir du pont Saint-Michel, a retrouvé sa beauté. Source : AREP – Photo : Marwan Harmouche, septembre 2024

 

Résoudre des problèmes simplement

Diminuer les bruits du train, résister aux vagues de la Seine, avoir de la lumière naturelle et réactiver la promenade en bordure de Seine furent les principaux points d’attaque d’AREP. Ils ne furent pas tous résolus, mais la qualité de l’air fut grandement améliorée avec l’ouverture à claire-voie des arcades en anse de panier des grandes baies s’ouvrant sur la Seine. Le plafond, empli de charbon, fut nettoyé en profondeur ; des luminaires et du mobilier de bancs de métro au design moderne furent ajoutés. On retrouva parmi les fouilles de la gare une murale datant des années 1960 qui fut réhabilitée.

Le vitrage en arc plein cintre offre une vue à fleur d’eau sur la Seine. Source : AREP – Photo : Maxime Huriez, avril 2023

 

Gare Montparnasse : le modernisme décrié des années 1960 réhabilité en 2025

Tout comme dans les deux autres projets, il s’agissait pour AREP de faire des interventions attentives à l’existence du lieu, en tenant compte de son passé et de son présent. La gare Montparnasse, bien qu’ouverte dès 1860, n’a plus rien de son patrimoine architectural du XIXe siècle. En effet, le « rêve du modernisme » a rasé à la fois l’ancienne gare et le quartier dans les années 1960. Ce fut un très grand projet d’urbanisme et d’architecture qui amena des constructions modernes, des élargissements de rues, une nouvelle gare et la controversée tour Montparnasse, la plus haute dans Paris intra-muros. « La gare se ferma sur la ville et le quartier fut déconstruit », explique pour sa part Claudia Nordmann, directrice de la conception-réalisation chez AREP, en ce qui concerne les solutions à trouver pour la gare Montparnasse. Il est notamment prévu de désaturer la station, car il y a trop de réseaux routiers autour, nous dit Hiba Debouk, directrice déléguée des territoires chez AREP.

Hall 1, sous la passerelle vitrée, un étage plus lumineux et un aspect aérospatial de la gare des années 1966-1969. Source : AREP – Photo : Frédérique Puthiot, septembre 2022

 

Des solutions d’ouverture à la fois vers la ville et vers la gare

À partir de ces observations, AREP chercha une solution simple d’ouverture à la fois vers la ville et dans la gare. C’est pourquoi les boutiques intérieures du hall et du petit centre commercial furent éclairées par de grandes baies vitrées donnant sur la rue et offrant un panorama sur l’arrivée à Paris dans le quartier. « Faire des liens avec les commerces et les ouvrir vers l’extérieur par les façades convexes lumineuses afin que les voyageurs contemplent la ville et ainsi pouvoir faire dire à cet espace ferroviaire : “vous êtes à Paris”, tel était l’objectif », exprime Claudia Nordmann. À part le hall central, la gare possédait des niveaux non utilisés. Ils ont été remis à jour et reconnectés en étant aménagés comme lieu de boutiques.

S’adapter au nouveau public en lui facilitant le transport

Pour AREP, il faut s’adapter et comprendre les enjeux des voyageurs de plus en plus nombreux et internationaux. Ainsi, tout comme à la gare du Nord, des outils de signalétique ont été conçus afin d’y faciliter la circulation. C’est une démarche qui cherche notamment à déstresser le public qui prend le train. Rappelons qu’en 2023, on comptait 64 millions de voyageurs annuels dans cette gare.

Hall Vasarely : une œuvre traversante d’une autre époque

Étonnamment, les deux grandes œuvres murales de l’artiste Victor Vasarely (1906-1997, plasticien et peintre hongrois considéré comme le père de l’art optique) étaient peu apparentes dans le hall 1. AREP, observant cette lacune, réorganisa le grand hall central.

Les deux grandes œuvres murales de l’artiste Victor Vasarely (1906-1997) étaient peu apparentes dans le hall 1. Observant cette lacune, AREP réorganisa le grand hall central en créant une sorte de traversant de part et d’autre du hall permettant d’admirer les murales en vis-à-vis. Source : AREP – Photos : Fabien Luis, juillet 2022

 

On a par ailleurs ouvert le plus possible l’espace accueillant des escaliers roulants et des accès aux quais. Il s’agissait également de donner des perspectives sur l’aspect « aérospatial » de la gare, peu mis en valeur auparavant. Enfin, un design de faux plafond avec des triangles de DEL constitue aussi une autre délicate intervention.

Assurer du confort : faire entrer la lumière naturelle, diminuer le bruit et arrêter les courants d’air

Pour faire pénétrer la lumière naturelle, AREP a proposé d’ouvrir en partie le plafond au design en bandes convexes. Certaines bandes devinrent vitrées mates, ce qui donne un éclairage laiteux pour permettre la réflexion de la lumière. Un travail d’acoustique a permis d’isoler le bruit des trains.

À l’extérieur de la gare, l’intervention d’AREP s’effectuera plus tard en lien avec le réaménagement de la place piétonne végétalisée entre la tour et la gare, dont un reboisement majeur et une connexion avec le réseau de pistes cyclables existant de Paris. Source : AREP – Illustration : Gaël Morin

 

On a aussi résolu le problème des courants d’air, un classique dans les gares. Des études aérauliques ont été conduites en amont des travaux afin d’identifier les causes des courants d’air, et des simulations ont été produites pour déterminer les mesures les plus efficaces envisageables. C’est la cellule de recherche Hypercube d’AREP qui fut mandatée pour trouver des solutions. Elle résolut ces situations d’inconfort en allant du côté des ouvertures pour le désenfumage, source majeure de courants d’air.


Articles récents

Aux abris !

Aux abris !

Un signet de Nouveau Projet nous propose une lecture de la publication The Dial. Le sujet : anxiété sécuritaire et efficacité ou non des abris souterrains ?


Lire la suite
L’histoire contre la démolition de l’ensemble de logements sociaux Robin Hood Gardens

L’histoire contre la démolition de l’ensemble de logements sociaux Robin Hood Gardens

Le CCA propose un article de Lisa Belabed à propos d’un effort pour contrer la démolition dans le contexte d’une ville mondialisée.


Lire la suite
Maisons de plaisance des environs de Paris, de Louis XIV à Napoléon III

Maisons de plaisance des environs de Paris, de Louis XIV à Napoléon III

Le Musée du Domaine royal de Marly présente une exposition inédite consacrée aux plus remarquables maisons de plaisance de la région parisienne.


Lire la suite
Magazine FORMES
6 numéros pour seulement 29,95 $

Restez informé avec
notre infolettre

M’inscrire...
Merci pour votre inscription, vous devez maintenant confirmer votre abonnement par courriel. Consultez votre boîte de réception.

Vous n’avez pas de compte ?

Créer un compte