« Porte de Clichy », un documentaire qui prend de la hauteur sur l’être dans la ville

Manon Sarthou, notre collaboratrice qui couvre l’Europe et au-delà, fait partie des cinq personnages du documentaire sur lesquels le réalisateur Sébastien Marziniak a jeté son regard.

Pour Manon, « il faut tenter des choses pour rejoindre l’espace mental des personnes non voyantes. Leur faire toucher les rues de la maquette, en les guidant avec les mains, leur permet de se repérer géographiquement, de leur faire prendre conscience du parcours emprunté pour venir du métro au local de la Maison du Projet ».

L’écoquartier Clichy-Batignolles se situe dans le XVIIe arrondissement de Paris, à la limite de la Porte de Clichy. Les travaux de transformation ont débuté en 2002 et l’opération se terminera en fin d’année. L’écoquartier occupe une surface de 54 hectares, dont dix hectares aménagés en parc multifonctions permettant la biodiversité. Quelque 3 400 logements privés et sociaux y sont construits dans des bâtiments de divers styles et gabarits. On estime la population à 7 500 habitants une fois l’opération complétée.

Après plusieurs années de construction, le nouveau Tribunal de Paris, tour de 160 mètres, œuvre de l’architecte Renzo Piano, a ouvert en 2018 à Porte de Clichy, quartier en périphérie de la capitale française. L’avènement de ce tribunal est un tournant dans l’histoire de la justice parisienne, qui a quitté son beau palais antique du centre touristique pour côtoyer son peuple en périphérie de la ville. Dans son sillage, ce chantier a entraîné une phase importante de reconstruction de ce quartier populaire. Ici, les immeubles anciens voient grandir autour d’eux une architecture nouvelle, moderne, qui se veut plus écologique, plus humaine dit-on.

La programmation et l’organisation de l’espace de l’écoquartier trouvent leurs sources dans des concepts de développement durable : confort sonore, qualité du cadre de vie pour personnes handicapées et pour tous, confort de mobilité par des trajets piétons de courtes distances, accès au transport en commun, etc. Une expérience urbanistique unique observée par les professionnels de l’aménagement urbain du monde entier, mais aussi par les personnes malvoyantes et non voyantes !

Le documentaire « Porte de Clichy » réalisé par Sébastien Marziniak, en tournage actuellement, soutenu par le Centre National du Cinéma et produit par Avril Films, dresse le portrait de ce quartier à son époque charnière. Par un jeu d’allers-retours, entre les trajectoires intimes d’habitants et la métamorphose gigantesque de la ville, le film nous invite à franchir les façades des immeubles pour aller à la rencontre de celles et ceux qui constituent l’âme du quartier et interroger à travers eux les mutations à l’œuvre. Les habitants que l’on y découvre sont de tous les âges, de tous niveaux sociaux. Ils habitent des immeubles haussmanniens, des années 70, des années 30 ou très modernes. Eux-mêmes ne se connaissent pas, mais sont tous liés par ce quartier qui se mue sous leurs fenêtres.

Sans chercher à prendre position sur les bienfaits ou non de la politique urbaine, c’est la question de la place de l’homme dans la ville qui est au cœur du récit. Sans voix hors champ et avec peu d’interviews, le film nous invite à découvrir des scènes du quotidien exposants chacune un enjeu clé de la narration. Il peut s’agir d’une réunion de copropriétaires mettant en évidence l’évolution des travaux, la parole d’une gardienne d’immeuble dessinant la fin d’une époque, un rendez-vous avocat client marquant l’arrivée de la justice dans le quartier. 

Manon Sarthou accueille des citoyens malvoyants et non voyants pour une découverte de cet écoquartier parisien et tente de leur transmettre la connaissance urbanistique et architecturale.

Le film s’intéresse aussi au travail de Manon Sarthou, une urbaniste québécoise et française à la fois, qui fait découvrir tout au long de l’année l’écoquartier à des citoyens mal voyants et non-voyants. Ils proviennent de province, du Grand Paris, de Paris et parfois des résidents de l’écoquartier ou au pourtour. Grâce à une maquette, une collection de documents tactiles1 (créées en collaboration avec une personne non voyante entre autres) et un parcours sur le terrain, Manon communique à ces visiteurs des informations essentielles sur le nouveau quartier, tant architecturales qu’urbanistiques, précurseur du nouveau Paris. La singularité de son travail sera un liant didactique et sensible au film, permettant de questionner en toile de fond la frontière entre la beauté et la fonction des ouvrages.

Ces images de la maquette et des planches tactiles seront mises en rapport à ceux de la ville réelle, dont la forme change inexorablement pour lui ressembler.

Le film, qui entrera en postproduction à la rentrée prochaine, devrait être terminé en fin d’année 2020. Il sera alors diffusé sur la chaine viàGrandParis et en festivals de cinéma documentaire dès 2021. Nul doute qu’il sera dans quelques années un témoignage unique d’une phase urbanistique française importante, précurseur du « Grand Paris », comme les grandes métropoles en connaissent tous les cinquante ans. 

1 La collection de plans tactiles en braille et gros caractères présente les spécificités de l’écoquartier, la situation du quartier dans le Grand Paris, la disposition des rues de l’écoquartier ; les lignes de transport qui le traverse ; la mixité du quartier et ses fonctions urbaines, l’organisation du parc, l’architecture moderne du quartier en contraste avec l’architecture haussmannienne de ses abords.

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