École Sans-Frontières à Saint-Jérôme. Photo : Stéphane Brügger – Conception BBBL Architectes en consortium avec Bergeron Thouin Associés
Un vent de changement souffle sur l’éducation. L’école à laquelle on nous a habitués perd ses bases. Bien sûr, la réalité d’un parc immobilier qui est en fin de vie pose un immense défi, mais il y a plus. Les milieux scolaires cherchent à s’ajuster aux réalités contemporaines : s’adapter aux pédagogies nouvelles, composer avec les technologies de l’information, devenir plus accueillants pour les élèves qui y passent toute la journée. La communauté même s’intéresse de plus en plus à ses écoles, tant pour des questions d’infrastructures que pour l’exercice citoyen rassembleur que cela représente de réfléchir à la redéfinition de l’école. Bref, ici comme ailleurs, enseignants, professionnels de l’éducation, architectes et designers s’unissent pour la réinventer.
Partout dans le monde, on repense ce bâtiment traditionnellement rectangulaire, à la fenestration répétitive, aux corridors bordés de casiers ternes, aux couleurs fades et percés de portes de classes à intervalles réguliers. On reconfigure la salle de classe, déplace les pupitres alignés vers le tableau noir, bouge l’immense bureau de l’enseignant dispensateur de leçons. On réorganise la cour de bitume ceinturée d’une clôture. Tour à tour, les établissements scolaires sont appelés à se transformer en véritables milieux de vie et à devenir un point d’ancrage dans une communauté de plus en plus tournée vers la citoyenneté mondiale et le développement durable.
L’école telle qu’on l’a connue n’a plus sa place. L’état de vétusté d’une école se transforme en opportunité pour repenser un système éducatif relevant de courants révolus. Expert de la question et professeur émérite, Sir Ken Robinson explique que le modèle scolaire traditionnel est issu de l’époque industrielle et qu’il en a adopté les caractéristiques. La sonnerie des cloches qui rythment les heures des cours, le morcellement des cursus, les regroupements d’élèves selon l’âge sans prise en compte de leurs intérêts, l’absence de lien entre les programmes rappellent cette mentalité « de ligne de montage1 ». Robinson prône une école modulable à la personnalité et aux forces de chaque enfant. Ce type de vision éducative apparaît comme un nouveau paradigme dans la recherche actuelle portant sur la création de nouvelles écoles. Nombreux sont les spécialistes liés au domaine de l’enseignement ou de l’architecture qui se penchent désormais sur une multitude d’éléments à développer pour créer de toutes pièces l’école du XXIe siècle.
Vue et escaliers paliers du vestibule de l'école I Sydvavnen, Copenhague, Danemark. Photo : Stamers Kontor
L’école comme outil pédagogique
Plusieurs études démontrent l’influence du milieu bâti sur les comportements humains, la créativité, la productivité, le bien-être physique et mental. L’impact de l’aménagement architectural dans le milieu de l’éducation fait désormais l’objet d’analyses sérieuses. L’expression « the third teacher » gagne en popularité. Renvoyant à la notion d’environnement physique dans lequel l’enfant réfléchit, travaille et acquiert ses connaissances, le « troisième enseignant » constitue, avec l’enseignement et les relations entre pairs, l’un des trois facteurs influençant l’élève dans son parcours scolaire. Étude fréquemment citée sur le sujet, The HEAD Project (acronyme pour Holistic Evidence and Design2) est une recherche d’envergure conduite par l’Université de Salford au Royaume-Uni. Publiée en 2015, elle s’est spécifiquement intéressée à la corrélation qui existe entre l’architecture scolaire destinée aux jeunes de niveau primaire et leurs résultats. Les chercheurs ont observé la progression des jeunes en écriture, lecture et mathématiques, en fonction de la qualité du milieu bâti dans lequel ils étaient plongés au quotidien. Les résultats révèlent qu’un environnement physique stimulant et bienorganisé peut augmenter jusqu’à 16 % les progrès d’un élève au cours d’une seule année.
Dans l’ouvrage Les écoles qu’il nous faut, dont il sera question dans les pages qui suivent, plusieurs éléments du rapport précité sont présentés. Par exemple, l’exposition constante à la lumière naturelle influence positivement le moral et le bien-être ; elle constitue en cela un facteur déterminant sur la réussite. De grandes fenêtres donnant sur un espace vert favorisent la concentration, particulièrement en milieu urbain où l’activité extérieure peut devenir une source de distraction. La couleur des murs affecte aussi la réussite scolaire. L’utilisation d’une palette chromatique de tonalités trop variées ou trop vives ainsi que la surabondance d’affiches murales disparates ont tendance à nuire à la concentration des élèves. Par contre, des murs blancs contribuent à l’effet inverse, soit une sous-stimulation. Un juste milieu est préconisé pour un environnement d’apprentissage optimisé : couleurs pâles sur les murs avec une mise en relief au sol, sur un seul mur ou sur le mobilier scolaire par un accent de couleur vitaminée.
Encore aujourd’hui, l’effet catalyseur de cette étude britannique se déploie dans les milieux de l’éducation et de l’architecture. Elle oriente la réflexion de nombreux concepteurs d’écoles d’ici et d’ailleurs.
L’école au cœur de la communauté
L’école du XXIe siècle constitue une seconde maison pour plusieurs enfants. Certains d’entre eux peuvent y passer près de dix heures quotidiennement. Par conséquent, elle devient un lieu de socialisation où le jeune peut s’exprimer dans un cadre ouvert non restrictif tout autant que dans un contexte plus formel. L’architecture joue ici un rôle déterminant dans l’élaboration de cet espace de socialisation. Un environnement ouvert et rassembleur suscite chez l’élève un bien-être qui a de fortes chances d’entraîner une plus grande soif d’apprendre et une envie grandissante de participer à une vie communautaire à l’intérieur même de l’environnement scolaire. L’école I Sydhavnen (voir l’encadré ci-dessous) a été conçue dans cet esprit. Elle offre aux tout-petits un coin « maisonnée » à même la classe, incluant des lieux de rassemblement privés, contribuant ainsi à leur sentiment de sécurité. Cela dit, l’environnement scolaire a été prévu pour favoriser l’inclusion de la communauté, son implication et sa libre circulation au sein de l’établissement. Cette interaction rendue possible entre les clientèles permet aux jeunes de s’intégrer et de participer pleinement à leur environnement sociétal.
Reconfiguration de la classe
De plus en plus d’établissements scolaires présentent des classes « éclatées » comportant des espaces interactifs, diversifiés et flexibles de même que différents types de fauteuils et de tables, autant d’éléments favorisant la collaboration et la socialisation. Plusieurs locaux sont aménagés par les enseignants eux-mêmes en fonction des besoins de leurs élèves : espaces individuels pour la lecture, tables de travail collaboratives, îlots de rencontre et d’échange, murs et planchers mis à contribution pour dessiner ou participer à une expérience sensitive, coins prévus pour les nouvelles technologies…
Selon ses goûts et son tempérament, chaque enfant a ainsi le loisir de travailler là où il se sent bien et de jouer un rôle actif dans ses apprentissages. Alors que des cloisons disparaissent, des blocs, cubes, paravents servent à redéfinir l’aménagement spatial. L’école maternelle Fuji Youchien (voir l’encadré ci-dessous) illustre bien cette tendance : les architectes Takaharu et Yui Tezuka, de Tezuka Architects, ont éliminé les cloisons fixes au profit de petites divisions amovibles, de meubles didactiques, de blocs, de tables, etc., et ouvert la plupart des espaces d’apprentissage sur la cour intérieure. L’interaction des enfants entre eux, leur mobilité, le loisir de travailler dans des espaces polyvalents ont ainsi pour effet de stimuler l’apprentissage.
École I Sydhavnen « Skolen I Sydhavnen »
Copenhague, Danemark
Architectes : JJW Architects
Ouverture : 2015
Récompense : Prix national « École de l’année » par Nohrcon WAN 2016
Vue arrière de l’école I Sydhavnen à la tombée du jour. On remarque le grand escalier qui mène au canal. Photo : Torben Eskerod
Située dans le vieux port de Copenhague, l’école I Sydhavnen, école scientifique et maritime de la municipalité, s’inscrit dans un projet de revitalisation urbaine situé à proximité d’édifices à logements et à bureaux de construction récente.
Le grand escalier intérieur sert aussi de zone de rencontres. Photo : Torben Eskerod
Les architectes ont su tirer parti de la proximité du port pour concevoir l’aménagement de tout un écosystème. À l’extérieur, un lieu de rassemblement tient lieu à la fois de cour d’école et de place de ville, créant un lieu d’échange dynamique.
Le grand escalier extérieur permet les rencontres et relie l’école au canal. Photo : Torben Eskerod
À l’intérieur des murs de l’école, des locaux d’artisanat, de travaux manuels ainsi que des salles de musique sont conçus de manière à être accessibles à la communauté.
Espace de repos et d’étude aménagé dans la fenestration. Photo : Torben Eskerod
La cafétéria peut servir des repas aux citoyens. Des espaces publics, semi-publics et privés répondent à une variété de besoins : grandes assemblées, enseignement de groupe, travail individuel…
Vue d’une aire de jeu aménagée sur le toit de l’école. Photo : Torben Eskerod
Le design imposant de l’édifice évoque l’idée d’une ville avec ses maisons, ses rues, ses espaces et ses ateliers. Le thème de la « ville dans l’école » est un concept intégrateur à l’intérieur duquel le port occupe une place prépondérante.
Escaliers extérieurs qui mènent à la toiture aménagée en aires de jeux. Photo : Torben Eskerod
Véritable outil pédagogique, le plan d’eau est ici exploité dans le cadre d’activités sportives, scientifiques ou culinaires. Sur le plan du développement social, l’absence de clôture est pensée pour favoriser chez les élèves l’acquisition de comportements sécuritaires.
Depuis sa construction, l’école maternelle Fuji Youchien a fait l’objet de près d’une dizaine de prix parmi les plus prestigieux, dont le prix Compendium of Exemplary Educational Facilities The Best of All, OECD/CELE 4th, en 2010, et le Global Award for Sustainable Architecture, en 2017. Fruit d’une réflexion poussée, l’édifice arbore une architecture audacieuse, sans limitation ni cloisons, où la liberté règne. Dans la société normative et standardisée du Japon, cette structure de forme ovale ouverte sur une cour intérieure sans murs de classe possède la particularité de canaliser l’énergie propre aux enfants.
Éclatement des murs dans la maternelle Fuji Youchien : cubes et cloisons mobiles façonnent au besoin les espaces éducationnels.
L’agitation bénéfique et essentielle de l’enfance
Rompant avec la tradition des édifices scolaires traditionnels, les concepteurs ont observé que lorsque plusieurs enfants sont rassemblés dans un local fermé, cela accroît le niveau d’anxiété de plusieurs. Or, ce phénomène disparaît ici en raison de l’absence de cloison. Si un enfant désire quitter la salle, il se lève et sort. Puisque l’édifice est circulaire, l’enfant revient tout naturellement.
Les architectes ont inclus, dans la conception de la maternelle Fuji Youchien, les grands arbres matures qui traversent la toiture, ceinturés de filets protecteurs où les enfants s’amusent.
Quant au bruit, les deux architectes considèrent que les enfants dorment mieux dans un environnement bruyant plutôt que silencieux et qu’ils font preuve d’une plus grande capacité de concentration dans cet espace décloisonné. Les classes sont formées de petites cloisons amovibles et de meubles didactiques : blocs, tables, etc., modulables selon les besoins. Des arbres matures sont intégrés à la structure. Ceux-ci traversent la toiture. Des filets ceinturent le tronc, se rattachent aux pourtours des ouvertures du plancher offrant des stations de jeu aux enfants.
Les élèves de la maternelle Fuji Youchien observent, de la toiture, les jeux de la cour intérieure.
Le toit circulaire est exploité comme piste de course et terrain de jeu. D’après les concepteurs, tous ces différents dispositifs formés d’escaliers, de rampes, d’échelles incitent les enfants à prendre la pleine mesure du danger par l’expérimentation physique. Ces jeux d’escalade suscitent l’entraide mutuelle, élément essentiel à une société. Selon Takaharu Tezuka, « il ne faut pas contrôler les enfants ni trop les surprotéger, car ils doivent trébucher à l’occasion, s’écorcher un peu, car c’est ainsi qu’ils apprennent dans ce monde ».
Chez nous, alors qu’on prévoit réaliser à court terme des investissements majeurs dans le renouvellement de nos écoles, une partie du budget devra obligatoirement être alloué à la mise aux normes écologiques du parc immobilier scolaire. Dans les nouvelles constructions, l’intégration du bois, le chauffage géothermique, l’exploitation de la lumière naturelle, l’intégration de jardins intérieurs et extérieurs, pour ne citer que ces exemples, répondent à un souci de développement durable. Certains établissements acquerront le statut d’« immeuble vert » ou le label « net zéro ». Bien sûr, des choix financiers s’imposeront. Reste que pour le bien commun, le choix opportun sera que ces lieux d’apprentissage du XXIe siècle deviennent le pôle d’attraction de tout un quartier.
École Jardin-des-Patriotes à Saint-Eustache. Photo : Raphaël Thibodeau – Conception par BBBL Architectes en consortium avec YWA
Des besoins qui varient pour chaque projet
Connaître les initiatives internationales ouvre des horizons, mais les spécialistes s’entendent pour dire que chaque projet a une résonance propre à son milieu. L’écosystème diffère d’une institution scolaire à l’autre, et chacune doit mettre en place une « équipe-école » apte à définir les besoins et les priorités. La construction ou la simple rénovation d’un bâtiment scolaire implique une réflexion de fond afin de déterminer la philosophie éducative qui prévaudra. Ce principe assure une cohérence entre les composantes de l’environnement scolaire et la vision pédagogique du milieu.
La force du groupe
De nouvelles façons d’apprendre et de faire rayonner le savoir se dessinent peu à peu. La pédagogie, les modes d’apprentissage se différencient. Le monde se complexifie. La hauteur des défis qui s’annoncent et leurs impacts sont difficiles à mesurer.
La classe extérieure de l’école du Boisé, à Sept-Îles. Source : Sylvie Roussy
Dans ce contexte évolutif, plusieurs entreprises comme Google, Facebook, Airbnb, Playster et Lightspeed ont entrepris des changements dans leur mode de fonctionnement. Elles ont entre autres procédé au décloisonnement de leurs espaces de travail. Ces réaménagements ont engendré une évolution des dynamiques professionnelles et sociales hautement favorable aux échanges et à la créativité. Si l’espace à bureau individuel a toujours sa place, des aires complémentaires de repos, voire de jeux, ont largement amélioré le bien être des membres du personnel. En les sortant de leur cadre de travail traditionnel, le sentiment d’appartenance et le vivre-ensemble s’en trouvent améliorés. De tels changements s’amorcent à présent dans le milieu scolaire.
Sir Ken Robinson l’affirme : les meilleurs apprentissages surviendront en groupes par le biais de la collaboration, dans des écoles qui sauront s’adapter à la personnalité et aux forces des apprenants. La conception du bâtiment et de l’aménagement spatial jouera un rôle prépondérant non seulement dans la définition, mais aussi dans la réalisation d’une philosophie éducationnelle communautaire et plurielle.
Notes
1 Source : https://www.ted.com/talks/ken_robinson_changing_education_paradigms. 2 BARRETT, Peter, et al. Clever Classrooms: Summary Report of the HEAD Project, Manchester, Université de Salford, février 2015.
Des projets québécois novateurs
École Sans-Frontières, à Saint-Jérôme. Photo : Stéphane Brügger – Conception BBBL Architectes en consortium avec Bergeron Thouin Associés
Les architectes québécois spécialisés en conception de projets d’école sont généralement au fait de ce que dit la recherche actuelle en matière d’éducation, d’architecture scolaire et de développement durable. Cependant, ils se heurtent trop souvent encore à des normes gouvernementales restrictives qui les limitent dans l’expression des solutions les mieux adaptées aux réalités actuelles. Cela dit, certains d’entre eux, de concert avec le milieu scolaire, ont fait preuve d’audace et d’imagination en réalisant de véritables tours de force. L’auteur et architecte de formation Marc-André Carignan a fait le tour du Québec, à la recherche de constructions exemplaires. Son livre Les écoles qu’il nous faut en recense plus d’une, parmi lesquelles une école de Saint-Jérôme et une autre de Métis-sur-Mer qui ont attiré notre attention. Ces programmes, tant par leur design architectural novateur que par les solutions mises de l’avant en matière de développement durable, nous portent à croire que le Québec est sur la bonne voie en matière de bâtiments scolaires pensés et conçus pour les réalités d’aujourd’hui.
L’école Sans-Frontières, Saint-Jérôme
Photo : Stéphane Brügger
L’école primaire Sans-Frontières, conçue par BBBL et Bergeron Thouin architectes, attire le regard. Inaugurée en 2014, elle se démarque sur plusieurs plans : luminosité naturelle omniprésente, large fenestration avec vue sur la nature et accents de couleurs intégrés avec parcimonie. Cependant, c’est sa structure de bois qui en définit la personnalité architecturale ; depuis les corridors jusqu’à la salle polyvalente, en passant par le gymnase et les cages d’escalier, son impressionnante charpente en fait un lieu d’apprentissage unique au Québec.
Par ailleurs, le bâtiment a été conçu de façon à réduire le plus possible son empreinte écologique. Plusieurs mesures ont été prises afin d’accroître son efficacité énergétique, telles que la gestion des eaux pluviales, la géothermie, une toiture verte avec des panneaux solaires, des systèmes de récupération de la chaleur et une enveloppe performante grâce à une isolation accrue et l’utilisation de verre low-e. Outre son aspect esthétique, le bois lamellé-collé, plus solide que l’acier, offre une résistance supérieure, note Clément Bastien, architecte associé principal chez BBBL. « Dans chacun de nos projets, nous priorisons des matériaux sains, durables et faciles d’entretien qui permettent d’assurer la qualité de l’air et la santé des occupants ».
Réinventer les écoles de demain
La firme BBBL, maintenant intégrée au groupe Provencher_Roy, connait bien les « écoles du XXIe siècle » ; elle s’est spécialisée dans leur conception, et en compte plus d’une quarantaine dans son portfolio. « L’endroit où les enfants passent le plus de temps après la maison, c’est la classe. Les écoles doivent être bien conçues et accueillantes, avec de grandes fenêtres, de la lumière naturelle et des vues sur l’extérieur » explique Maryse Laberge, architecte associée au sein de la firme BBBL. Une nécessité, ajoute l’architecte, aux vues de plusieurs études qui démontrent que le design d’une école peut avoir un impact majeur, non seulement sur les performances académiques des élèves, mais également sur leur confort, leur humeur, leur sentiment de sécurité et leur santé physique et morale.
Ainsi, BBBL a développé une approche spécifique pour assurer la qualité et la contemporanéité de ses écoles. Tout d’abord, le geste d’ancrer solidement l’établissement dans son contexte afin qu’il participe à la vie du quartier. Ceci se traduit notamment par des façades ouvertes sur la rue, l’implantation de partenariats avec la communauté locale, et un regroupement des espaces communs au rez-de-chaussée, afin qu’ils soient accessibles hors des heures de classe. Ensuite, l’application des principes de la biophilie, voulant que des vues sur des espaces verts apportent des bienfaits au niveau de la santé et du bien-être des occupants. Puis, l’utilisation judicieuse des couleurs qui favorise un apprentissage ludique et joyeux dans un environnement au goût des enfants, et qui permet de créer une signalétique efficace.
Finalement, une volonté de plus en plus évidente, celle de créer des écoles vertes qui éduqueront des générations de futurs décideurs à l’importance de préserver l’environnement. Par le choix de matériaux écologiques qui contiennent peu de produits toxiques ; la réduction de la consommation énergétique, des émissions de gaz à effet de serre, de la consommation d’eau et des déchets ; la récupération et le compostage ; le verdissement des sites ; et la gestion des eaux pluviales, ces écoles sont propices au maintien de la santé des occupants, et servent d’assises à la promotion de saines habitudes de vie.
Photo : Stéphane Brügger
« Nous nous sommes donné comme mission de réinventer les écoles de demain pour en faire des territoires d’apprentissages et d’explorations, avec des espaces qui misent sur le confort individuel et collectif des occupants », poursuit Maryse Laberge. Des écoles lumineuses, stimulantes, inclusives, évolutives et durables, qui favorisent au maximum l’épanouissement des enfants et qui accompagnent les enseignants dans le développement du plein potentiel de tous les élèves.
L’école Metis Beach, Métis-sur-Mer, Gaspésie
Vision pour l’école Metis Beach, en Gaspésie, imaginée par la firme québécoise CCM2 en consortium avec PROULXSAVARD ARCHITECTES. Source : CCM2 en consortium avec PROULXSAVARD ARCHITECTES
La firme d’architectes de Québec CCM2, autrefois Côté Chabot Morel, a à son actif plus d’une cinquantaine d’écoles. Au cours des cinq dernières années, elle s’est fait un point d’honneur de travailler dans la limite budgétaire imposée par les commissions scolaires et le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Ses sept derniers projets, dont l’agrandissement de l’école Metis Beach Intermediate de la Commission scolaire Eastern Shores, illustrent bien les nouvelles tendances qui s’observent au Québec : utilisation du bois, accents de couleurs vives, larges fenêtres, optimisation de l’espace par l’intégration de coins lecture dans les murs et les cages d’escalier.
Nous avons contacté l’architecte au dossier, Mathieu Morel, après avoir pris connaissance de la présentation de ce projet dans l’ouvrage de Marc-André Carignan. M. Morel explique qu’il a eu suffisamment de marge ici pour exprimer de nouvelles idées d’aménagement. « Entre 2000 et 2010, les programmes d’aménagement fixés par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et les commissions scolaires étaient beaucoup plus restrictifs. L’espace budgété, calculé au mètre carré, était alors presque totalement dévolu aux classes. Depuis, une nette tendance se dessine dans la construction des écoles afin d’y intégrer des espaces multifonctionnels, qu’il s’agisse d’espaces de socialisation, d’échanges ou d’aires partagées avec la communauté afin d’en maximiser l’utilisation après les heures de cours. » Sur ce point, l’architecte salue la volonté ministérielle de bonifier de 15 % l’aide financière accordée pour la construction ou l’agrandissement d’une école, pour « la mise en œuvre de solutions architecturales ou d’ingénierie permettant de soutenir la réussite éducative des élèves ainsi que le développement durable1 ». On parle ici de l’aménagement de lieux d’apprentissage ouverts et modulables, favorisant la créativité, la collaboration et l’interaction ; de l’amélioration des propriétés énergétiques d’un bâtiment ; de stratégies permettant l’apport de lumière naturelle…
Mathieu Morel insiste aussi sur l’importance de se mettre à l’écoute des enseignants. « Les architectes peuvent suggérer un mobilier adapté ou mobile qui s’arrimera à un projet pédagogique en particulier, plutôt que d’encourager l’achat massif de mobilier de couleur neutre et souvent mal adapté aux nouvelles façons d’enseigner. L’aménagement de petits cubicules de lecture situés juste au-dessous d’un escalier, de tableaux noirs sur les murs pour dessiner, de petites glissades pour les élèves de maternelle sont des ajouts très faciles à réaliser qui permettent de différencier l’enseignement et de tenir compte des besoins des enfants. »
Dans le projet de Métis-sur-Mer, le consortium CCM2 et PROULXSAVARD ARCHITECTES a pu travailler en concertation avec les membres de la commission scolaire et les représentants de la communauté. Il est parvenu à créer des espaces multifonctionnels utilisés autant par les élèves que les adultes du village. La création d’un gymnase double, d’une salle d’entraînement, d’une salle aux fonctions multiples disponible après les heures de cours et capable d’accueillir un traiteur, d’une scène extérieure couverte servant à la fois de lieu d’enseignement ou de spectacles, d’une cour intérieure utilisable au printemps comme à l’automne ainsi que l’apport de lumière naturelle étaient au nombre des éléments figurant au programme d’agrandissement de l’école Metis Beach. L’intégration d’un gymnase en demi-sous-sol, qui a eu pour impact de réduire l’empreinte au sol du bâtiment et de maximiser les aires de jeux extérieures, est un concept novateur. Mathieu Morel ajoute ce commentaire : « Pourquoi ne pas aménager un espace naturel dans la cour d’école ? Il est temps de cesser de mettre du gravier et de découvrir la valeur ajoutée d’une cour aménagée avec un boisé et de la verdure. » Grâce à l’approche participative mise de l’avant à Métis-sur-Mer, les citoyens de même que le personnel de l’école se sont approprié « leur » future école, immense source de fierté pour eux.
Aménagement d’un nouveau corridor le long d’un mur extérieur d’un bâtiment existant avec un mobilier sur mesure. Crédit : Valérie B. Delisle, Catherine Gagnon, Marie-Josée Roy, Jonathan Simard, Jieyu Xu, sous la direction de Carole Després.
Les enjeux actuels, qu’ils soient d’ordre économique, social ou environnemental, bouleversent nos façons de faire. Le monde de l’éducation constitue l’un des domaines où les défis en cause exercent une énorme pression. Heureusement, l’existence de plusieurs groupes de réflexion, au plan local comme à l’international, permet à tous les acteurs engagés dans le projet d’aménagement d’une école de bénéficier de savoirs de pointe et d’expériences réussies. Grâce au maillage des professions et à la participation de groupes sociaux, il devient non seulement possible d’imaginer l’école de demain, mais de prendre part à sa construction.
L'Atelier de cocréation Angus
La réalisation d’un écoquartier sur l’îlot central du Technopôle Angus a débuté et s’échelonnera sur plusieurs années. Ce futur développement, une pièce maîtresse de ce quartier montréalais de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, est né il y a une vingtaine d’années de la volonté de soutenir une collectivité au plan économique à travers la revitalisation d’une friche industrielle. La Société de développement Angus (SDA) l’a décortiqué sous tous les angles et présenté en 2016 dans un volumineux rapport intitulé : Plan d’aménagement du Technopôle Angus – Projet mixte sur l’îlot central. Composante identitaire, mixité fonctionnelle, implantation des bâtiments, aménagements extérieurs, étude d’ombrage… En tout, une trentaine d’éléments y ont été soigneusement présentés.
À la page 65, la SDA propose d’autoriser l’usage « école primaire et préscolaire », manifestant ainsi son intention de construire une école sur le site. Comme on le sait, le projet d’école a suscité un vif débat ; c’est dire l’importance de ce futur établissement scolaire pour la vie du quartier et pour différents groupes d’intérêt. Le promoteur a saisi l’occasion de favoriser la participation citoyenne. En cette ère du numérique, dans un quartier où depuis des générations le génie du lieu suscite appartenance et engagement au sein de la communauté, tout a été mis sur la table : valeurs éducatives, approches pédagogiques, gouvernance, ressources locales, attributs architecturaux, infrastructures récréatives et culturelles, etc. Au printemps 2019, un atelier de cocréation a permis de réunir une trentaine de parents afin d’imaginer l’espace physique des lieux.
Au terme de ce long processus créatif auquel se sont associés des enseignants, des experts de diverses professions, des partenaires, des parents, sans oublier les enfants, à quoi ressembleront les Ateliers éducatifs Angus ? Dans un prochain numéro, nous ferons un tour d’horizon de la question.
Schola.ca – Plateforme d’expertise en architecture scolaire
Mené à l’Université Laval sous la direction de la professeure Carole Després, Ph. D., et soutenu par le gouvernement du Québec, le projet de recherche Schola.ca consiste en une plateforme d’expertise en architecture scolaire disponible sur le Web. Sa mission est de développer des outils d’aide à la décision pour accompagner les différents acteurs concernés avant, pendant et après un processus de rénovation d’écoles publiques primaires et secondaires. Les interventions ciblées visent à mieux soutenir la réussite éducative, dans une perspective de développement durable. L’objectif de Schola n’est pas de construire de nouvelles écoles, mais d’optimiser le potentiel des ressources existantes. Pour ce faire, l’équipe Schola élabore ses outils d’aide à la décision en fonction de quatre dimensions : l’état du parc scolaire, l’expérience quotidienne des principaux acteurs scolaires, les connaissances actuelles sur le rôle du cadre bâti dans la réussite éducative et enfin, les différents profils d’utilisateurs de la plateforme. L’arrivée de la plateforme Schola marque une intensification dans le travail de recherche amorcé en 2011, en facilitant la diffusion progressive d’outils novateurs.
L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) est un forum unique regroupant des centaines d’experts en provenance de tous les coins du monde qui se penchent sur les défis économiques, sociaux et environnementaux engendrés par la mondialisation. Chaque année, l’éducation est l’un des thèmes qui fait l’objet de nombreuses publications. L’objectif est de faire connaître les efforts entrepris pour adapter l’école aux besoins actuels. La fluctuation des clientèles, les progrès technologiques, la réduction de l’empreinte carbone placent les gouvernements face à des enjeux de taille. L’Organisation permet donc aux pays membres de mettre leurs problèmes en commun, de comparer leurs expériences et de partager leurs expertises.
Le programme Effective Learning Environments (ELE) permet aux quelque 36 pays membres d’explorer des solutions innovantes en matière d’installations éducatives. Créé en 2013, le programme Learning Environments Evaluation Programme (LEEP) va plus loin en diffusant les lignes directrices des meilleures pratiques afin d’aider les communautés à développer des environnements physiques qui satisfont aux besoins actuels en apprentissage et en enseignement en fonction d’une utilisation optimale des ressources disponibles. Développer des modèles conceptuels adaptables aux fluctuations du nombre d’élèves, qui favorisent une utilisation plus large de l’école en dehors de l’horaire de classe habituel, modèles qui peuvent être construits dans des délais raisonnables ; concevoir des installations inspirantes qui répondent aux divers styles d’enseignement et d’apprentissages ; lier l’école à la communauté ; prendre en compte les progrès en matière de technologies de l’information et des communications ; appliquer les principes du développement durable ; inclure l’environnement extérieur comme outil pédagogique quand c’est possible ; voilà autant d’aspects recherchés dans les nouveaux designs, reflets des valeurs de l’OCDE.
Lancé en novembre 2017, le Lab-École s’est donné comme double mission de concevoir un milieu de vie qui favorise l’apprentissage et de penser l’école en tant qu’écosystème. Cet organisme sans but lucratif prend appui sur la Politique de la réussite éducative du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Il vise à rassembler une expertise multidisciplinaire afin de concevoir des écoles où prédomine un environnement physique stimulant capable de favoriser de saines habitudes de vie. Le rôle des membres fondateurs, Pierre Thibault, Pierre Lavoie et Ricardo Larrivée, est de susciter une réflexion collective en créant des ponts entre le personnel enseignant et les professionnels de tous horizons, afin de réaliser les meilleures écoles qui soient pour le bien-être des élèves et du personnel. Près d’une cinquantaine de professionnels œuvrant dans les domaines de l’environnement physique, des saines habitudes de vie ou de l’alimentation composent l’équipe d’idéateurs.
Repenser l’école est une initiative québécoise qui prend la forme une fois l’an d’un sprint de cocréation de solutions, susceptibles de répondre aux défis que présentent les secteurs de l’éducation primaire et secondaire. En quarante-huit heures, des équipes multidisciplinaires sont formées avec, pour défi, de présenter devant public des projets innovants capables d’aider leur communauté de manière concrète. Accompagné d’experts du milieu, chaque groupe « imagine » son école en axant sa réflexion sur les notions de réussite éducative, de mission de l’école, de connaissances et de compétences à acquérir, d’approches pédagogiques à privilégier et de conditions de succès pour y arriver (environnement bâti, etc.). Chaque année, un nouveau défi est lancé aux participants. L’événement de septembre 2018 qui s’est tenu au Musée des beaux-arts de Montréal avait pour thème « Repenser une journée à l’école ».
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