Cyrculia a plutôt misé sur le recyclage des matériaux présents sur les lieux et a privilégié, pour ses achats, des matériaux locaux, biosourcés ou issus du recyclage. Elle a déconstruit des sections du bâtiment, entreposé les matériaux récupérés et sollicité des architectes et designers pour trouver des solutions de recyclage. Des blocs de béton sont devenus des supports de plateaux de bureau. Des montants d’acier servent de structure à une vaste banquette. Des tuiles de plafond ont été découpées pour former le logo de Stratzer. D’autres solutions sont plus créatives et s’apparentent au surcyclage puisque les matériaux ont été convertis pour un tout autre usage. Des luminaires ont été fabriqués à partir de poutres d’acier ou par thermoformage des panneaux de plexiglas hérités de la pandémie.
Cyrculia a complété l’aménagement avec des tables en béton contenant du verre et du plastique recyclés de Simax, des tables en frêne de Bois Public, des panneaux insonorisants en chanvre de HECO Innovation chanvre et des mycomatériaux de Mycélium Remédium Mycotechnologies.
En plus de réhabiliter un bâtiment, Cyrculia a mis en œuvre une vingtaine d’initiatives écoresponsables dans son siège social.
Concevoir pour recycler
La démarche de Cyrculia est inspirante, mais aussi impressionnante, car dans les faits il y a un obstacle majeur au recyclage des bâtiments : une fois assemblés, les matériaux sont difficilement démontables, de sorte que les bâtiments ne sont guère déconstructibles. La construction hors site pourrait solutionner cet obstacle. Carlo Carbone, professeur à l’École de design de l’Université du Québec à Montréal, a retracé l’histoire de la construction hors site de composantes, de panneaux ou de volumes. Elle s’appuie sur la fabrication en usine d’éléments répétitifs qui reviennent souvent avec une forte similarité dans les bâtiments. Or, s’il y a répétitivité, il y a un potentiel de réutilisation dans un autre bâtiment – à condition de pouvoir déconstruire, ce qui implique de concevoir en conséquence. Carlo Carbone donne l’exemple de Murus, une entreprise américaine de fabrication de panneaux qui a développé des connecteurs pour attacher et détacher les panneaux en vue de leur réutilisation.
À gauche : Un monte-charge a été transformé en cabine téléphonique. En haut à droite, assises des bureaux composées de blocs de béton et de panneaux de mycomatériaux de Mycélium Remédium Mycotechnologies. En bas à droite : Concept modulaire du système constructif Muance – Photos : Francis Fortin – Maquette : Muance.
C’est aussi l’approche suivie par la firme française Muance qui s’est donné la mission de construire plus vite, moins cher et moins carboné grâce à la construction hors site. Le principe constructif repose sur une structure de poutres et poteaux avec des panneaux composés de béton léger bas carbone et d’un isolant biosourcé. Les premiers panneaux ont été fabriqués avec de la laine de bois, mais l’objectif est de remplacer cette laine par du miscanthus cultivé par une coopérative agricole locale. « Notre solution est évolutive et réversible, ce qui facilitera la réutilisation des ouvrages ou le recyclage », assure également Patricia Morenval, directrice Organisation, Performance et RSE chez Muance. Avec sa solution, Muance veut contribuer à résoudre la crise du logement et vise des petits immeubles de logement social en milieu périurbain et rural. Un premier projet est en construction à Fismes et deux autres sont en préparation à Taissy et Bétheny, communes françaises.
C’est donc une solution qui répond à deux crises mondiales que sont celle du climat et celle du logement. Les restrictions budgétaires commandent souvent de faire plus avec moins. Avec la raréfaction des ressources, le franchissement des limites planétaires et le budget carbone qui diminue, recycler, c’est faire durer les matériaux, c’est aussi faire plus avec moins.