Approche collaborative et reconnaissance professionnelle

Marie-Christine Dubé, présidente de l’Association professionnelle des designers d’intérieur du Québec (APDIQ), et Pierre Corriveau, président de l’Ordre des architectes du Québec (OAQ), portent le message de la collaboration interprofessionnelle et de la reconnaissance professionnelle. FORMES s’est entretenu avec ces représentants de regroupements fort déterminants pour la mise en œuvre de milieux de vie de qualité.

Le travail collaboratif et la reconnaissance professionnelle des concepteurs constituent des éléments qui guident les démarches de l’APDIQ et de l’OAQ. « Le constat de nombreuses aberrations de conception, observe M. Corriveau, démontre que notre industrie doit miser sur la reconnaissance et la professionnalisation des concepteurs du bâtiment, et ce, pour s’assurer que l’ensemble des investissements réalisés dans le milieu de la construction le soit de façon réfléchie. »

Leur travail sur le terrain les a amenés à constater que la conception d’une résidence doit être encadrée par des ressources compétentes pour éviter des cas encore trop nombreux d’aménagements inadéquats. Quelques exemples… Une conception bigarrée de salle de bain où on doit enjamber la cuvette pour sortir de la douche ! Ou encore, la construction d’une maison sur un site exceptionnel sur le fleuve, mais avec vue sur un mur aveugle. Autre cas : une pièce inhabitable, car il est impossible de l’aménager en raison de nombreuses contraintes physiques, telles cage d’escalier et fenestration mal positionnées.

La collaboration

La collaboration s’avère le mot clé de l’équation, mentionne Marie-Christine Dubé. « Un équilibre qui nécessite une intervention concertée entre divers professionnels, note la présidente de l’APDIQ. On a intérêt à travailler ensemble, et ce, dès le tout début du processus de conception, et non par une intervention ponctuelle à une étape plus avancée du projet. Par exemple, le recours à un architecte paysagiste parce que l’on constate un élément à camoufler à l’étape de réalisation. Vaux mieux une conception et des interventions en amont pour éviter ce type de correctif. »

Un autre point fondamental, poursuit Mme Dubé, est l’importance du rôle des professionnels et la compréhension de leurs interventions. « Il pourrait sembler qu’il en coûte davantage pour engager plus de professionnels, mais si dès le départ le projet regroupe ceux-ci pour la conception, que tout s’imbrique bien, non seulement le résultat en sera bonifié, mais l’investissement sera durable. » Un résultat qui se traduit par un accroissement de la qualité et de la durabilité, l’adaptabilité du milieu de vie et du cadre bâti, une meilleure cohésion, indiquent notamment nos interlocuteurs. Autant d’aspects fonctionnels incontournables qui s’arriment aussi à d’autres facteurs axés plus directement sur l’humain, tels bien-être, beauté et confort. Un maillage tout à fait naturel pour créer des milieux de vie harmonieux avancent ces derniers.

Intérieur/extérieur

L’architecture est un tout cohérent entre intérieur et extérieur, selon Pierre Corriveau. « Il n’est d’extérieur sans intérieur, ni d’intérieur sans extérieur. Et l’architecture, c’est cette chose qui définit l’un et l’autre, les divise et les unit aussi, en en faisant un tout cohérent. C’est un amalgame de parois. Sous un toit. Ou sous le ciel. »

Pour la majorité des gens, l’achat d’une résidence constitue le plus important investissement de leur vie. Le message véhiculé par l’APDIQ et l’OAQ, c’est qu’on doit planifier cette acquisition de façon à s’assurer de la qualité de l’investissement. « Il y a un risque à intervenir sans l’apport de concepteurs du bâtiment, avertit le président de l’OAQ. Sans professionnels, il y a forcément réduction de la qualité, donc également réduction de la qualité de l’investissement. À l’opposé, l’intervention de professionnels constitue un gain important pour la qualité et la protection du public. »

Reconnaissance professionnelle

La reconnaissance professionnelle est un autre facteur clé de l’équation. Celle des architectes est bien établie par l’existence d’un ordre professionnel. Pour l’instant, l’APDIQ n’est pas constituée en ordre professionnel. Cela dit, la structure associative de l’APDIQ confère notoriété et compétence à ses membres. Ces derniers sont encadrés sur divers plans : formation, examen de reconnaissance des compétences, marque de certification, code de déontologie, colloques et autres activités professionnelles… L’organisation doit-elle se constituer en ordre ? Ce statut s’inscrit certainement dans une démarche de professionnalisation des designers d’intérieur, affirme Mme Dubé.

Pierre Corriveau est aussi d’avis qu’une professionnalisation des designers d’intérieur améliorerait le partage. « On vient de terminer la rédaction d’un règlement qui a été déposé à l’Office des professions en collaboration très, très étroite avec l’Ordre des technologues du Québec, notamment sur le point du partage de certains actes techniques en lien avec les compétences propres aux technologues. On voudrait faire la même chose avec les designers. »

Le titre réservé

Actuellement, les designers d’intérieur n’ont pas de titre réservé, ce qui est problématique, observe Mme Dubé. « Dans certains cas, un décorateur se présente à titre de designer d’intérieur. C’est un problème, car potentiellement cela peut ternir le travail du designer d’intérieur et de l’architecte. Et cela soulève également la question de la protection du public. Il y a un danger parce que le public ne peut aisément distinguer le véritable designer d’intérieur de celui qui prétend l’être. »

Constat étonnant, le Québec est la seule province canadienne où le designer d’intérieur n’a pas de titre réservé. « La Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick sont à l’avant-garde en ayant chacune un titre et des actes réservés par une loi. Les autres provinces (Ontario, les provinces de l’Ouest) ont toutes des titres réservés. C’est d’autant plus problématique, car la réciprocité entre provinces achoppe à cause de cela. »

Informer

Il y a aussi une question d’éducation, note Marie-Christine Dubé. « L’un des rôles qui nous incombent est d’informer le public. L’achat ou la rénovation d’une propriété nécessite l’intervention de professionnels. Malheureusement, architectes et designers d’intérieur sont parfois mis de côté à l’avantage d’autres acteurs qui prétendent être en mesure de réaliser l’investissement d’une vie sans accroc. Ça nous ramène aux aberrations de conception que nous avons évoquées. »

« Ça prend des professionnels pour s’assurer de la qualité et de la cohérence du tout, renchérit M. Corriveau. La résultante d’une ville bâtie de multiples pavillons, sans actions concertées de professionnels responsables, peut être pathétique. Et les exemples sont nombreux, de l’unité d’habitation aux grands boulevards désordonnés. C’est extrêmement navrant. » Cette préoccupation d’un tout cohérent et de qualité semble inscrite dans l’ADN des concepteurs, qui interviennent bien entendu d’abord en amont de la réalisation. C’est l’étape de la conceptualisation, de l’idée qui aboutira sur un projet bien tangible de construction. La réalisation de cette idée est une autre étape à laquelle s’associent d’autres acteurs sur le terrain. Il faut ici aussi s’assurer de la cohérence et de l’adéquation entre conception et réalisation. Nous sommes sur le terrain de la qualité de construction. Mais cela, c’est une autre histoire ! 


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